The Parents' ReviewA Monthly Magazine of Home-Training and Culture"Education is an atmosphere, a discipline, a life." ______________________________________ Pauvre Bébé!
Pauvre Bébé! L'éducation de l'enfant commence généralement trop tard, après que des habitudes sont déjà acquises, après que le sens moral a reçu un commencement de perversion. L'enfant est éducable aussitôt qu'il exprime des sensations, aussitôt que le plus primitif de ses instincts, celui de la conservation commence a s'affirmer. Il s'annonce déjà dans les premiers vagissements qu'il fait entendre aussitôt après sa naissance, confus, indécis: il faut qu'il reçoive du dehors la satisfaction de ses besoins, il ne peut en aucune manière designer, même, vaguement, ce que réclame son organisme. Cet état ne dure pas longtemps, quelques semaines à peine, puis il connait la personne qui lui donne sa nourriture, il la cherche du regard, l'appelle par ses cris, il lui sourit quand il la voit, et trépigne, ou plutôt gigote avec frénésie quand elle se prépare à lui fournir sa ration; il la préfère à tout le monde, c'est sa bien-aimée, la bien-aimée de son désir de vivre. N'est-ce pas déjà le germe des qualités et des travers de la personnalité? Ce germe se développe de plus en plus, si la mère ou la nourrice, flattée de ce germe de préférence, l'excite par des caresses ou des paroles mignardes, encourageant ce petit tyran à exprimer de mieux en mieux ses exigences: il se persuadera que la grosse affaire pour tout le monde est qu'il soit repu convenablement. On a raison de soigner convenablement l'alimentation de ce cher poupon, mais il ne devrait pas s'en apercevoir, pas plus que les jeunes animaux ne s'aperçoivent des soins et du dévouement de leur mère. Dès que l'allaitement cesse, c'est bien autre chose. Il faut user de mille combinaisons pour obliger l'enfant à s'accommoder d'un système de nutrition fixé à l'avance dans l'esprit des parents. « Voici, mon mignon, une bonne soupe, elle est si bonne, c'est un vrai nanan; mange-la vite, le minet viendrait la prendre. Elle n'est pas pour le minet, elle est pour Bébé, qui aura après une dragée rose de la boîte de maman. » Et le mignon mange sa soupe; toute la famille est au courant de ce haut fait et on le couvre de caresses. On appelle cela d'adorables niaiseries. Ces niaiseries ne sont pas sans dangers: l'enfant deviendra gourmand, égoïste, capricieux, si les petits travers qu'on aura fait naitre ne sont pas réprimés plus tard. Pauvre Bébé! Son idéal, l'idéal qu'on lui a donné pendant les trois ou quatre premières années de son enfance, c'est une tartine de confiture, un gros fondant, une praline, un gâteau au chocolat, ou une tarte à la crème. On a fait de ces choses ses récompenses, les objets de son ambition, les meilleures qu'il pouvait connaître, et un jour s'il plonge une main coupable dans un plat de friandises, et qu'il s'en gorge jusqu'à en être malade, on le gronde, on parle de cela comme d'une faute énorme, comme l'indice d'un vilain défaut. Il faudra, dit-on, le surveiller, le corriger. Pauvre Bébé! Mais le jour ou il saura distinguer la lettre o de la lettre i, ou bien compter sur ses dix doigts, on ajoutera au dessert ordinaire un plat doux, une crème à la vanille ou une tarte aux fraises, et on dira: « Tu vois, mon chéri, quand on est sage on est récompensé, et lorsque tu ne seras pas sage, tu n'auras pas de dessert du tout. » Et lorsque le chéri rencontrera par hasard un marchand de pâtisseries ou un marchand ambulant de petits fours, il en voudra, il criera, se roulera par terre et fera sa petite scène. « C'est insupportable, dira son père, il faut absolument corriger ce bonhomme, il ne rêve que gourmandises. » Et maman fera une gentille semonce démontrant que les enfants gourmands sont tout-à-fait détestables. Fi donc! Pauvre Bébé! Une heure après il entendra sa mère dire à la cuisinière : « Mettez assez de truffes dans votre galantine, vous savez que c'est le régal de Monsieur. » « Madame, répondra la cuisinière, n'a pas besoin de s'inquiéter, Monsieur sera content. Si Madame voulait me donner le flacon de rhum, je ferais à Madame une de ces omelettes que Madame aime tant. » ------------------------------- English Translation Poor Baby! A child's education generally begins too late, after habits have already been acquired, after the moral sense has already begun to be perverted. The child is educable as soon as he expresses sensations, as soon as the most primitive of his instincts, that of self-preservation, begins to assert itself. It announces itself already in the first wails that he makes heard immediately after his birth, confused, indecisive: he must receive from without the satisfaction of his needs, he cannot in any manner designate, even vaguely, what his body demands. This state does not last long, a few weeks at most, then he begins to know the person who gives him his nourishment, he seeks out her face, calls her with his cries, he smiles at her when he sees her, and stamps, or rather wiggles with frenzy when she gets ready to give him his ration; he prefers her to everyone, his beloved, the beloved of his desire to live. Is this not already the germ of the qualities and flaws of the personality? This germ develops more and more, if the mother or the nurse, flattered by this germ of preference, excites him with caresses or sweet words, encouraging this little tyrant to better and better express his demands: he will be convinced that the chief business for everyone is that he be properly sated. One is right to take proper care for the feeding of this dear baby, but he must not become aware of it, any more than young animals are aware of the care and devotion of their mothers. Once nursing ceases, it is another thing entirely. One must use a thousand combinations to oblige the child to accommodate himself to the system of nutrition fixed in advance in his parents' minds. "Here, my darling, some good soup. It is so good, it is a real treat; eat it quickly or the kitty will come and get it. It is not for the kitty, it is for Baby, who will have a pink candy from Mummy's box afterwards." And the darling eats his soup; the whole family is aware of this great achievement and he is covered with caresses. Poor baby! His ideal, the ideal that was given him during the first three or four years of his childhood, is a jelly loaf, a big fondant, a praline, a chocolate cake, or a cream pie. These things have been made his rewards, the objects of his ambition, the best things he could know, and one day if he sticks a guilty hand into a plate of delicacies and eats himself sick on them, he is scolded, it is spoken about it as an enormous fault, as the sign of an ugly defect. He will have to be watched, corrected, one will say. Poor baby! But the day that he is able to distinguish between the letter "O" and the letter "I", or even count on his ten fingers, to his ordinary dessert will be added a sweet dish, a vanilla cream, or a strawberry tart, and one will say, "You see, my dear, when you are good you are rewarded, and when you are not good you will have no dessert at all." And when the dear by chance happens upon a pastry seller or a street vendor selling petits fours, he will want some, and scream, and roll around on the ground and make his little scene. "This is intolerable," his father will say, "this little fellow absolutely must be corrected; all he dreams about is delicacies." And Mummy will give a nice lecture declaring that greedy children are absolutely detestable. For shame! Poor baby! An hour later he will hear his mother say to the cook, "Put plenty of truffles in the galantine, you know it is my husband's favorite." "Ma'am," the cook will answer, "you have no need to worry, your husband will be happy. If you would hand me the bottle of rum, Ma'am, I will make you one of those omelets that you love so much." Typed and translated by by phoebebopeep's husband, Jan 2018 |
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